Chimiquement vôtre
Une grande rasade de pesticides ! C’est le cadeau de rentrée de la Commission européenne. Au départ, il s’agissait d’harmoniser les normes sur les résidus d’insecticides, herbicides et autres fongicides. Sauf qu’au lieu de choisir les seuils les plus bas en vigueur dans les états membres, Bruxelles a opté à quelques chouïas près pour les plus hauts. Résultat, en France dès ce mois ci, on risque de se régaler avec encore plus de pesticides. Prenez le Fénoxycarbe, dont on asperge les agrumes pour stopper le développement des larves d’insectes : on pourra en trouver sur les oranges, pamplemousses ou citrons à des taux 40 fois supérieurs à ce qui était autorisé jusqu’à présent. Vous vous dites : pas grave, on ne mange pas la peau. Erreur, puisque des molécules chimiques on peut en trouver enfoncées jusqu’à 8 millimètres dans la chair des fruits. Passons à la tomate , elle aura le droit de recéler dix fois plus de son herbicide favori, le Cléthodime. Pour la pomme, cinq fois plus de Tebucolazole, un fongicide. Toujours pour les fongicides, on aura des chances de tomber sur cinq fois plus de Cyprodynil dans le raisin de table, 2,5 fois dans les fraises et 4 fois plus dans les abricots…
Bizarrement, en 2005, cette même commission avait pondu un règlement sur le sujet qui prévoyait de fixer au niveau le plus bas possible les limites maximales de résidus ! Un texte qui n’avait pu être appliqué parce qu’il manquait des annexes. Et voila qu’elle nous sort l’inverse de son chapeau. Certains esprits mal tournés y voient la main des fabricants de pesticides, réunis au sein de l’European Crop Protection Association. Cette volte-face de Bruxelles étonne d’autant plus que la réévaluation de la toxicité de toutes les substances actives aspergées dans nos champs est loin d’être terminée. Dix-sept ans après, sur 500 molécules, une centaine seulement ont vu leur cas réexaminé. On imagine l’embarras de Michel Barnier avec son projet de loi sur l’agriculture durable, censé mettre en musique les promesses du Grenelle de l’environnement, au premier rang desquelles : moins de pesticides dans l’assiette… On nous aurait raconté des salades ?
Conflit de canard, Le Canard enchaîné du mercredi 3 septembre 2008.