antimondialiste

[ louvoyer : naviguer en zigzag à contre vent ]

16/04/2005

Guerre au chômage ou guerre aux chômeurs

Classé dans : désintoxicant, politics, précarités @ 23:14

une interview de Emmanuel PIERRU sur le site de Actu> Chomage

… J’ai inversé les termes d’un débat souvent imbibé d’idées reçues : Il faut peut-être renverser le questionnement sur les rapports entre le chômage et la démocratie. Autrement dit, il faut d’abord se demander ce que la démocratie fait des chômeurs (surtout en période de chômage de masse) avant de se poser des faux problèmes sur ce que les chômeurs font à la démocratie… Et dès lors, tout le point de vue change…

… Le MNCP et beaucoup d’associations de chômeurs posent la vraie question à laquelle tout le monde devrait VRAIMENT réfléchir : celle de l’assurance chômage et, avec elle, le droit à être protégé contre ces risques d’existence majeurs pour les individus que sont le chômage et la précarité. On en comprend moins la position syndicale qui, si elle reste en l’état, fait en sorte que les grandes confédérations scient la branche sur laquelle elles sont assises : les chômeurs sont très souvent d’anciens salariés (d’ailleurs rejetés par leur cellule quand ils étaient syndiqués) ! Alors plus le chômage et la précarité s’étendent (ce qui est le cas), plus ils perdent de leur audience, déjà très faible en France (moins d’un salarié sur 10 est syndiqué)…

…il n’en reste pas moins qu’au tournant des années 80, l’assurance chômage est devenu une machine à exclure un nombre croissant de chômeurs (jeunes précaires, les femmes, etc…) et qu’elle couvre de moins en moins de personnes touchées par le chômage et la précarité : moins d’un chômeur sur deux est indemnisé au titre de l’assurance. C’est l’Etat qui indemnise dans une logique du minimum et peu à peu le RMI, non prévu pour ça, devient progressivement un chiche système d’indemnisation du risque de chômage…

… le néolibéralisme ne raisonne pas sur le long terme : le marché est myope ! Les mythes servent les doctrines qui font la guerre aux chômeurs car ils permettent de faire pression sur tout le monde salarié au travail, en pénalisant ceux qui en sont exclus. La peur du chômage est un excellent moyen pour discipliner le salariat et l’obliger à accepter de voir son salaire et ses conditions de travail dégradées. C’est pourquoi en ostracisant et en stigmatisant les chômeurs dans la vie de tous les jours, tout le monde occupé (souvent sur des emplois de moins en moins protecteurs) se «tire une balle dans le pied». ..

… On renonce depuis plus de 25 ans au principe de l’assurance sociale qui considérait le chômage comme un risque collectif lié à la vie dans une société de marché et non une «faute individuelle»… Les mots ont un sens que les personnes pressentent souvent très bien. Le chômeur n’est pas le pauvre ; l’assurance sociale n’est pas l’assistance. Aujourd’hui, on mélange tous les mots ; ce qui fait le jeu du moins-disant social…

… Le mot «exclus» est à bannir selon moi tant il est flou et permet toutes les appropriations les plus libérales. Il n’y a qu’à écouter les dernières prises de position d’un Nicolas Sarkozy… Ou reprendre le texte de la future «Constitution» européenne… Tout un programme dont la nouveauté est à rechercher dans les siècles précédents ! La fin du droit au travail y est clairement annoncée au nom d’une prétendue liberté de travailler (décodons : si vous êtes au chômage, c’est donc que vous ne cherchez pas et ne faites pas usage de votre liberté…). Tout un programme, en effet…

… Le chômage de masse n’a jamais été un destin mais une option économique qui sert les intérêts des rentiers ou, plus précisément, la finance (puisque seule «l’inflation zéro» les intéresse)…

… Je suis très réservé sur l’idée d’un revenu minimum d’existence déconnecté de toute référence à l’emploi : l’emploi stable à durée indéterminée reste le support des droits sociaux d’abord, et il est une source de gratification essentielle pour les individus. Le travail ne fait pas tout le bonheur, mais il y contribue beaucoup. Toutes les enquêtes sociologiques les plus récentes le montrent sans équivoque. Le thème de la «fin du travail» est un faux débat, très intellectuel, et qui est souvent animé par des personnes qui ont précisément un emploi stable. L’aspiration à un vrai emploi (pas une occupation ou un petit boulot) est encore un fait majeur de notre société qui s’est construite sur le salariat et son émancipation sociale…

… lire l’interview entière sur le site de Actu> Chomage

Emmanuel PIERRU est Docteur en Science Politique, et chargé de recherche au CNRS-CERAPS Lille 2. En 1998, il a consacré son DEA de Science Politique aux mouvements de chômeurs : les Marches européennes et le mouvement de décembre 1997/1998. Ses recherches portent actuellement sur la «fabrication» institutionnelle de l’insécurité sociale et ses effets sociaux et politiques.
Il vient de publier Guerre au chômage ou guerre aux chômeurs (Editions Le Croquant). À paraître en 2006 aux Editions La Dispute, sa thèse de doctorat : «L’Ombre des chômeurs. Chronique d’une indignité sociale et politique depuis les années 30».


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