antimondialiste

[ louvoyer : naviguer en zigzag à contre vent ]

09/06/2007

La défaite idéologique de la gauche (épisode 1)

Classé dans : désintoxicant, politics @ 16:57

Le clivage droite-gauche est dépassé… il faut comprendre par là que les opinions dites de gauche, tendant à opposer une classe sociale laborieuse et défavorisée à une classe sociale de nantis protégeant ses intérêts n’ont plus cours… La réalité sociale de la répartition des richesses et des fruits du travail est une chose, le crédit apporté à telle ou telle idée politique en est une autre. L’idée d’opposer les riches aux pauvres ne représente plus une alternative crédible. En résumé, autant ne pas déplaire aux riches car c’est eux qui dirigent. En s’enrichissant à nos côtés ils finiront bien par nous enrichir un peu aussi.

Qu’est-ce qu’on a fait pour mériter ça ? Voici quelques pistes :

Un lendemain d’élection sans auto-critique
L’élection passée, maintenant que la personne est désignée, on va pouvoir s’intéresser au contenu, au programme politique … erreur !
Face à Sarkozy, il ne fallait pas afaiblir Royal et moi-même j’ai pratiqué l’auto-censure. Mais dès 20:00 heures dimanche 6 mai, j’ai vu la garde rapprochée de Ségolène nous l’a présenté comme le « leader naturel » de la gauche, une gauche en ordre de bataille pour les législatives … pas d’analyse des causes de l’échec possible – absence de débat –

Un gouvernement sortant sans bilan
Sarkozy au pouvoir depuis 5 ans nous a privé de toute analyse de son bilan : l’équipe ministérielle sortante n’a pas eu de compte à rendre. Le débat lors de la campagne se situait ailleurs, pas vraiment dans le réel. Comment un homme participant à un gouvernement aussi impopulaire a réussi à se démarquer et à n’avoir aucun compte à rendre ? Comment ? En communicant sur la rupture bien entendu.

Des thèmes de gauche utilisés par la droite
Il est clair que la réforme des régimes spéciaux est l’arbre qui cache la forêt. La plupart des salariés du régime général ont vu leur durée de cotisation augmenter considérablement, l’âge de la retraite recule, les pensions diminuent. L’effort est supporté par les salariés uniquement et les entreprises qui produisent plus de richesses que jamais (le taux de croissance n’ayant jamais été négatif) n’ont pas été mises à contribution. De plus le taux d’activité des personnes de plus de 50 ans est trop faible (du fait des entreprises) : 37% travaillent au moment de leur à la retraite (les 63% autres sont forcémment à la charge de la société en attendant l’âge de leur retraite).
Qu’a dit la candidate PS ? « nous remettrons tout à plat avec les partenaires sociaux » après avoir soigneusement évité de réformer et le régime général et les régimes spéciaux de 97 à 2002 tout en créant le C.O.R. qui existe encore.
Face à un tel vague à l’âme, Sarkozy n’avait plus qu’à dire que lui il empêcherait les entreprises de faire supporter aux finances publiques le coût des licenciements de seniors et que lui, s’attaquerait à cette « injustice » que constitue les régimes spéciaux.


Le parti socialiste empêtré dans ses tabous

Royal a parlé plus longtemps et dit moins de choses, normal elle ne pouvait pas s’exprimer sur un certain nombre de points, et pour cause …

- les privatisations
Comment critiquer la privatisation des sociétés d’autoroute quand on a fait parti du gouvernement Jospin qui a le plus privatisé (27 milliards d’euros de parts d’entreprises publiques vendu au privé) ?

- les baisses d’impôt
Lors de la fameuse cagnote fiscale en 2000 / 2002, Fabius avait baissé les impôts au lieu de consacrer tout l’éxcédent au ralentissement de l’augmentation des déficits publics (on en est pas encore au remboursement)

- la dette et le déficit budgétaire
Sujet par excellence tabou à gauche : « la part excédant les 2.5 % de croissance y sera consacrée » a dit Ségolène (ce qui rend les choses assez hypothétiques)

- les politiques de prévention et de sécurité
Depuis les cafouillages de Jospin en 2002, ce thème est soigneusement évité (voir cet article datant de 2001 ) et la droite répressive a donc le champ complètement libre. Pas d’ambition particulière de la gauche pour les quartiers …

- l’Europe et le non au référendum
Le ps est PRO-Europe, il soutient la construction européenne, quelle qu’elle soit. L’harmonisation fiscale et sociale n’avance pas, les services publiques sont privatisés et ouverts à la concurrence, la commission européenne en accord avec l’OCDE demande à la France de baisser la pression fiscale alors que la dette s’envole … ce n’est pas grave, l’Europe avant tout. Mitterrand nous l’avait déjà fait en 1992 : « … le traité de Maastricht est à l’image de l’Europe, il est à droite parce-que l’Europe est à droite. C’est à la gauche de le faire pencher à gauche … » 13 ans plus tard le gouvernement de gauche soutient le traité libéral de droite ! Les électeurs du PS (pas les militants) l’ont refusé à 60 %. A quel moment le PS a pris en compte ce vote vers les valeurs de gauche ? Certainement pas lors du congrès du Mans où la « synthèse » ne laissait pas de place à ces divergences.

- Atlantiste
Nombreux sont ceux qui pensent que si le PS était au pouvoir à la place de Chirac en 2002, la France serait en Irak, comme elle l’avait fait lors de la 1ère guerre du Golf. Mitterrand a bien dit en 1983 « les missiles sont à l’est et les pacifistes à l’ouest » pour soutenir le déploiement américain en Europe. Sarkozy et Royal ne sont pas prêt de se démarquer du grand frère, ce qui va radicalement à l’encontre de l’opinion publique (comme en Grande Bretagne, en Italie ou en Espagne).


Un calendrier électoral resséré / absence de débat

Après la réduction du mandat présidentiel à 5 ans et son alignement sur celui des députés, Jospin s’est empressé d’inverser la dates des élections. Les législatives n’auront plus lieu en mars mais en juin après les présidentielles. Du coup après des mois de campagne présidentielle, qui va s’intéresser à la campagne des législatives. Ces élections ne sont plus qu’une simple validation des présidentielles. Aux USA, les élections de mi-mandat permettent quand même d’exercer un contrôle sur le gouvernement.

Pour le mot de la fin, laissons Alain Lipietz résumer la nouvelle donne :
Il y a la France des gagnants ou qui peuvent encore espérer gagner, jeunes gens décrochant enfin un emploi (les 25-35 ans), petits entrepreneurs, rentiers, y compris les papy-boomeurs aux retraites, aux logements et à l’épargne confortable, qui se sont vu offrir des gages par Sarkozy : liberté d’entreprendre sans contrainte sociale, baisse des impôts, transmission quasi gratuite de l’héritage. Et puis il y a l’autre France, qui s’est largement retrouvée derrière Ségolène, mais dont une partie aussi a rejoint Sarkozy (près de la moitié des ouvriers et des employés !). Pour celle-là, Sarkozy a su capter les mythes sécuritaires et identitaires qui furent longtemps le monopole de Le Pen

Par juanpablo.


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