antimondialiste

[ louvoyer : naviguer en zigzag à contre vent ]

08/11/2005

« La jeunesse exprime un besoin de reconnaissance auquel la société française ne répond pas »

Classé dans : désintoxicant, exclusions, précarités @ 12:11

entretien avec Laurent Mucchielli, sociologue, directeur du Cesdip (Cnrs).

La vague de violence des quartiers dits « sensibles » est le produit d’une situation économique et sociale dégradée, que la société française refuse de voir, et d’un sentiment d’humiliation des jeunes.

Comme d’autres observateurs de la situation sociale, je me demandais depuis des mois quand est-ce que la tension larvée et le malaise permanent allaient éclater. C’est donc à Clichy-sous-bois que cela s’est produit. Et cela ne doit pas nous surprendre. En effet, aucun des problèmes de fond qui dégradent la situation dans les quartiers dits sensibles depuis quinze ans n’est réglé ni même significativement atténué depuis 2002. Le premier est la situation économique. Dans le débat politique et médiatique, les gens commentent les petites hausses ou les petites baisses du taux de chômage qui varie entre 8 et 9 % dans l’ensemble de la population active.

Mais ces chiffres n’ont strictement rien à voir avec la réalité du chômage des jeunes dans les quartiers populaires. Si vous prenez par exemple le taux de chômage des jeunes hommes nés de père ouvrier et sortis sans diplôme de l’école, vous arrivez dans certains quartiers à un taux de chômage qui se situe aux alentours de 50 %. Et si l’on pouvait mesurer les effets de discriminations liés au quartier ou à la couleur de peau, il est probable que ce taux serait encore supérieur. Voilà la réalité économique sans laquelle on ne comprend pas un des éléments qui nourrit en permanence dans cette jeunesse des quartiers les sentiments de colère, d’injustice, d’exclusion et de ce que j’appelle la « victimation collective »…

… Si l’on veut que les jeunes se calment, il faut d’abord leur dire qu’on les entend et que l’on comprend leur colère et leur humiliation. Cela ne veut pas dire que l’on excuse les actes délinquants de certains, mais que l’on prend au sérieux un cri de révolte et de souffrance général. Il faut absolument sortir de l’effet de sidération que produisent les images de voitures qui flambent, sortir de la peur de cette jeunesse et sortir des termes mêmes dans lesquels le débat politique enferme notre réflexion.

Il faut essayer de comprendre ce que révèlent ces flambées d’émotions collectives, restituer ce qu’est la vie quotidienne de la jeunesse des quartiers dits sensibles, mesurer les difficultés énormes qu’ils rencontrent pour s’insérer dans la vie sociale lorsqu’ils « galèrent » d’intérims en petits boulots et en période de chômage. Sans emploi, au double sens d’un statut et d’un revenu, il n’y a pas de possibilité d’insertion, pas d’accès au logement et pas de perspective de fonder une famille…

lire l’interview menée par Louis Maurin sur l’Observatoire des inégalités : http://www.inegalites.fr/article.php3?id_article=414


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