Pendant la faillite du sarkozysme, la contre-révolution se poursuit.
Que le président élu en 2007 se révèle un médiocre gouvernant, incapable d’assurer le fonctionnement de l’appareil d’État et de comprendre les subtilités des institutions européennes et des relations internationales, cela ne doit pas étonner non plus. Médiocre gestionnaire dans les années 1990, élu d’un « système » local lié aux intérêts financiers plus que d’une fraction représentative du peuple souverain, il ne doit sa fulgurante ascension qu’à sa capacité à incarner la schizophrénie d’une société post-industrielle écartelée entre le vertige de la réussite individuelle et celui de la chute collective. Comment nier que cette ascension s’est produite grâce à la complicité d’un appareil médiatique sans capacité réflexive et dans le contexte de vide politique de l’épuisement concomitant du gaullisme et de la social-démocratie ? Et comme, contrairement au modèle américain d’une contre-révolution néoconservatrice réussie malgré l’insignifiance de son héraut, les élites françaises ne disposent pas de structures de représentation qui soient autonomes de l’État centralisé – ni lobbies puissants ni laboratoires politiques sérieux –, elles se sont retrouvées avec une marionnette dont personne n’était capable de tirer les fils, sinon les opportunistes qui savent en flatter la vanité inquiète et en obtenir, au jour le jour, prébendes et privilèges. Dans un contexte économique défavorable, sans autre modèle idéologique que celui de la compétition libérale et de l’ajustement par la flexibilité et l’exclusion, il était impossible que l’illusion de l’omnipotence du président se maintienne.
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Bien entendu, la contestation est aujourd’hui forte sur le « pouvoir d’achat » (qui n’a jamais été un « pouvoir », sinon pour ceux qui n’achètent pas mais « commandent ») et sur les tarifs de l’énergie, qui étranglent les ménages et les petites entreprises agricoles, industrielles et de transport, et privent les classes moyennes des consommations symboliques (loisirs, culture, voyages…) de leur statut. Sans doute doit-on voir là la meilleure occasion d’une remise en cause des illusions populistes vendues par le candidat Sarkozy lors de la campagne électorale de l’année 2007. Mais le venin de la délégitimation du partage social de la valeur continue de produire ses effets, notamment à travers la dénonciation obsessionnelle des « fraudeurs » à l’aide sociale, du « déclin » généré par la réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires et bien sûr de l’« invasion » de la « misère du monde » et des menaces sur la « civilisation » que représenteraient les « fanatiques ». L’heure d’une réaction sociale de grande ampleur ne semble pas venue, comme l’illustre l’inefficacité de chacun des mouvements qui a battu le pavé des villes depuis l’automne 2007.
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