Que peut une vie ordinaire ?
Pour Guillaume Le Blanc, la précarité, loin d’être la condition naturelle de l’homme, est socialement produite. La pauvreté, la marginalisation ou le mépris social empêchent l’individu de constituer son autonomie dans un jeu nécessaire avec les normes.
L’auteur prévient : ce livre trouve son origine dans « l’air du temps irrespirable, une suffocation, une colère contre la précarisation des vies ordinaires à laquelle nous assistons, impuissants » (p. 13). L’atmosphère idéologique peut empêcher de penser ou provoquer la révolte. Pourtant, l’indignation reste stérile politiquement, parce qu’elle est vaine théoriquement. Tout le mérite du livre de G. Le Blanc se noue ici : d’avoir compris et fait le travail par lequel la précarité est devenue, pour nous, un objet philosophique ; de chercher à lier critique théorique et critique sociale, mais aussi « critique et clinique », c’est-à-dire le soin dû aux précaires, soin qui ne peut attendre les jours meilleurs où la précarité aura disparu. Autant dire tout de suite l’importance de ce livre qui fait partie de ceux qui transforment ses lecteurs, qui les convoquent à un travail intellectuel, voire à une activité éthique ou politique. Livre de philosophie, il n’apporte pas les solutions ou les remèdes à un mal clairement diagnostiqué, mais réfléchit sur les difficultés et les voies qui permettent d’interroger le statut de la précarité en le mettant en rapport avec « la vie ordinaire », loin d’en faire un moment exceptionnel, ou une dimension limite révélant l’humain à sa vérité.
A lire sur La vie des idées : http://www.laviedesidees.fr/Que-peut-une-vie-ordinaire.html