Alain Brossat : « La culture est devenue un moyen de gouvernement parmi d’autres »
S’il y a une notion que se plaît à défendre – avec tambours et trompettes – l’ensemble des acteurs et décideurs de la démocratie française contemporaine, c’est bien celle de culture. À droite, à gauche, dans les colonnes des hebdomadaires de la gauche molle ou dans celles des quotidiens de la droite dure, le refrain est le même : la culture vaste entité molle jamais réellement définie est par définition positive, porteuse d’espoir, de changement, d’amélioration. Il en faudrait toujours plus, partout, tout le temps. Si bien qu’on n’interroge finalement très peu cette idée de « tout-culturel » et ses répercussions sociales ou politiques. Œillères. Comme l’écrit Alain Brossat : « Les préjugés qui nous portent à voir la culture comme un domaine élevé et une instance salvatrice sont si puissants qu’on conçoit difficilement que la culture est désormais bel et bien enraciné au cœur des dispositifs biopolitiques. »
Avec Le Grand dégoût culturel, publié en 2008 Le Seuil, le philosophe Alain Brossat jetait un pavé affuté dans le marigot culturel. Il y pointait les contradictions de nos démocraties contemporaines gavées de culture ainsi que la servitude béate de citoyens dépossédés de toute réelle implication dans le champ politique. Alors que pseudo-intellectuels, politiques, bureaucrates cultureux et médiacrates pompeux se rengorgent d’aise en clamant qu’ils sont au service de la Sainte Culture – jurisprudence Lang –, les processus de dépossession politique se généralisent et le sujet immunisé se replie sur un quotidien consensuel mais irréel. Longtemps posée comme instrument d’émancipation, la culture serait désormais largement au service du pouvoir. Rencontré dans un café de la porte des Lilas, Alain Brossat a accepté de revenir sur les éléments clé de son livre, avant d’élargir les problématiques soulevées.
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