la droite gagne la bataille de l’emploi (épisode 2)
Si un gouvernement parvient à faire baisser le chômage significativement, il est quasi assuré d’être réélu car l’emploi reste le sujet de pré-occupation principal des français. Les campagnes électorales finies, on va pouvoir s’intéresser calmement à cette question, grâce notamment au magazine « alternatives économiques »de juin 2007.
Des précisions indispensables
- en dépit des 35 heures, la durée hebdomadaire de travail des français est plutôt supérieure à celle des autres pays européens développés (quid de la durée annuelle diminuée par le nombre de jours de congés ?)
- la productivité des travailleurs français est l’une des meilleures du monde (cf richesses produites en 1 heure de travail)
- de 1993 à 2006, les économies française et anglaise ont créé chacune 3 millions d’emplois. Toutefois l’Angleterre n’attire pas grand monde et fait moins d’enfants. Du coup, seul 1.5 millions de personnes contre 3 en France sont arrivés sur le marché du travail. C’est du calcul assez simple : le taux de chômage a diminué de moitié outre-manche alors qu’il est resté stable chez nous. Les performances de l’économie (Blair, Chirac, Jospin ou autre au pouvoir) sont comparables. Il n’y a pas de modèle.
Une conjoncture très favorable à la baisse du chômage
- la démographie : pour faire reculer le chômage en 2000, il fallait créer plus de 200 000 emplois. Maintenant seul 30 à 40 000 créations suffisent.
- La croissance économique est de nature différente : elle est plus orientée vers les services et plus facilement créatrice d’emplois. En 1990, une augmentation du PIB de 100 000 euros générait 0.6 emploi. La même augmentation génère 1.2 emploi. Ces emplois sont certes moins qualifiés et moins payés.
Combien de chômeurs (ou plutôt qui est au chômage)
Quantitativement ces 2 facteurs vont faire diminuer le chômage naturellement, quel que soit la politique de l’emploi menée. Qualitativement par contre, le chômage de longue durée s’installe et concerne 42% des demandeurs d’emploi, ce qui est considérable. C’est le résultat du chômage de masse subit depuis plus de 20 ans et de la diminution des emplois industriels qui a entraîné de nombreux licenciements.
Un an après leur licenciement, 62 % des personnes sont toujours au chômage.
Le chômage de longue durée = appauvrissement matériel / désespérance / estime de soi dégradée / déclassement social / savoirs obsolètes etc … Dans le contexte d’un marché du travail sélectif, on imagine la recherche d’emploi d’un individu ayant 1 année de chômage derrière lui. Comment améliorer « l’employabilité » pour réduire le chômage ?
Lorsqu’on sait qu’en France les principaux critères d’employabilité retenus par les entreprises ne sont pas forcément la qualification, la compétence ou la motivation, mais plutôt l’âge, le sexe, l’origine, la durée de l’expérience passée (le quartier, le prénom, l’école, l’université …) on se doute que ce n’est pas par la formation des demandeurs d’emploi que le problème se règlera.
Comment agir ?
Les emplois aidés
La droite critiquait les emploi-jeunes, l’Etat finance actuellement 600 000 emplois « aidés ». Ces emplois ne redonnent que peu d’employabilités car ils s’exercent dans le secteur public. Les Contrat Initiative Emploi concernent le privé mais remplacent bien souvent des emplois qui auraient été créés de toute manière et, évidemment, la sélection de la part des entreprises exclut les personnes les plus éloignées. L’effet « opportuniste » est d’ailleurs une constante de toutes les politiques d’emploi orientées vers les éxonérations de charges.
Le contrat unique
Réformer le marché du travail en l’assouplissant par l’instauration d’un contrat unique de travail ? Le statut offert par le CDI au salarié le protègerait excessivement et constituerait un frein à l’embauche.
Le site de l’UMP le précise : « De très nombreuses embauches avec des contrats durables ne se font pas parce que les entreprises savent qu’il leur sera très difficile de licencier ». OK, alors que fait l’entreprise ? Elle renonce à honorer sa commande ? Personnellement je ne crois pas que les choses se passent ainsi. Je veux bien admettre que ce type de contrat donnerait plus de « réactivité » à l’employeur, ce qui est bon économiquement et donc à terme bon pour l’emploi … de loin. Tous les jours en France 30 000 personnes perdent leur emploi et 30 000 autres en trouve un (voir le rapport du COE). Ce mouvement de personnel ne se produit pas d’un secteur en perte de vitesse vers un autre en pleine expansion : le mouvement s’opère plutôt d’entreprises moins performantes vers celles efficaces qui embauchent. N’oublions pas la possibilité pour les entreprises de recourir au travail temporaire. Seul 3.7 % de la population active est concerné dans le secteur privé.
Du côté des 20% de la population active (80 % étant en CDI) qui souffre de précarité de manière quasi chronique, on ne verrait pas d’un mauvais œil le fait que tout le monde soit logé à la même enseigne, mais c’est un calcul à court terme !
Le concept de fléxicurité sert de base à cette réforme: fléxibilité (donc précarité) dans l’entreprise, sécurité hors entreprise. Rupture sans possibilité de contestation d’un côté / assurance chômage et droit à la formation garanti tout au long de la carrière de l’autre. Tout ça ressemble au vieil adage « Privatiser les profits et nationaliser les pertes ».
le recours aux heures supplémentaires
Par contre cette mesure ne vise pas à réduire le chômage. Là dessus, tout, le monde est d’accord. Il est question d’augmenter le volume global de « travail », ce qui serait facteur de « croissance » etc … Si des besoins apparaissaient, l’entreprise aurait recours aux heures supplémentaires au lieu d’embaucher. A court terme il est claire que la mesure de défiscalisation des heures supplémentaires n’encourage pas la création d’emploi.
La réduction du temps de travail
Penser que le travail est un gâteau et qu’en diminuant les parts on pourra servir plus de monde … plus personne n’ose vraiment défendre cette vision du marché du travail. Le temps de travail ne se partage pas sur le marché, ce n’est pas aussi simple. Les 35 heures ont constitué une véritable avancée sociale, mais pas dans le sens de la réduction du chômage (qui elle s’opérait toute seule du fait de la croissance économique forte entre 1997 et 2001).
Les exonération de cotisations
Les entreprises sont exonérées de cotisations sociales pour l’emploi de bas salaires et perçoivent 60 millards d’euros d’aides chaque année. Cette politique d’allègement des « charges » sociales en œuvre depuis 20 ans est particulièrement inefficace (on ne la remet bizarement pas en cause …).
En résumé, le nombre de personnes inscrites à l’ANPE en catégorie 1 va baisser très certainement. C’est un moment très opportun pour le gouvernement pour faire des réformes qui n’ont pas ou peu d’effet sur le chômage mais qui relèvent d’une conception néo-libérale des rapports de travail. On s’achemine vers un marché de l’emploi de plus en plus sélectif et les personnes dont l’employabilité est jugée faible resteront debout dans ce grand jeu des chaises musicales. On peut les déclarer inaptes au travail comme les anglais l’ont fait. N’oublions pas que le chômage est un luxe des pays développés. Parle-t-on du chômage en Inde, au Mali ?? Le véritable problème est dans le contrat social rompu entre l’entreprise qui avance sans cesse le chantage à la délocalisation et les citoyens … et surtout, surtout le taux d’activité de la population dans son ensemble car il faut bien payer toute cette protection sociale.