Frédéric Lordon, économiste : “L’Europe est devenue un fétiche encombrant”
Parmi toutes ces règles irréversiblement gravées dans le marbre des traités, il en est une, spécialement scélérate, qui a pour propriété de surdéterminer la privation de souveraineté : c’est celle qui organise la libre circulation, interne et externe, des capitaux. C’est par là en effet, et une fois que toute possibilité de financement monétaire des déficits est fermée par les autres règles des traités, que les Etats se trouvent condamnés au passage par les marchés, et par conséquent soumis à leur tutelle disciplinaire permanente. « N’ayez donc plus de déficit pour cesser d’en dépendre », réplique la doxa libérale. Et nous voilà partis pour tous les programmes d’austérité, alors même que c’est la récession, consécutive, je le rappelle, à la crise financière privée, qui a creusé les déficits à ce degré. Et exigerait d’ailleurs qu’on les y maintienne au nom d’une politique contracyclique rationnelle.
C’est donc l’interaction de la tutelle organisée des marchés financiers et de règles à la fois folles dans leurs contenus et illégitimes dans leur forme, qui est au principe d’une destruction volontaire de souveraineté probablement sans précédent dans l’histoire politique moderne…
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