Le bouclier fiscal éviterait le terrifiant exode des riches et autres balivernes
D’abord l’impôt serait confiscatoire dès lors qu’il dépasse 50% de ses revenus. L’idée semble de bon sens dans l’absolu et appuie sur un vieux fond de poujadisme : « regardez, au secours, on me vole plus de la moitié de ce que je gagne ! » Sauf que le problème est déplacé en l’abordant sous l’angle d’un pourcentage. Si l’on considère plutôt le montant, de combien a besoin quelqu’un qui gagne par exemple 200 millions d’euros par an – ne cherchez pas ailleurs, ce sont les vrais plus grands bénéficiaires du bouclier ? Sur quel poste de son budget devrait-il consentir de douloureux sacrifices si on ne lui laissait que 20 millions, mettons ? Devrait-il renoncer à se nourrir correctement, à cause de la hausse des denrées alimentaires, légumes, fruits, viandes, poissons, pâtes et pain compris ? Non, il aura toujours beaucoup plus que largement assez pour s’offrir le meilleur du bio et du raffinement gastronomique. Quoi alors ? Avec ses maigres 20 millions, risquerait-il de ne plus pouvoir payer son loyer ou les charges de son domicile et de basculer parmi les mal-logés, voire les SDF ? Pas plus. Il pourra toujours, à ce prix-là, financer en plus de la propriété le court de tennis privé et la piscine à bulles qui va bien. Sera-t-il alors privé de vacances, comme ces millions de Français qui ne partent plus, faute de boucler les fins de mois ? Plaisanterie : les cinq étoiles du bout du monde lui seront toujours promis pour assouvir ses désirs de farniente. La question qui se pose donc est : que confisque-t-on au juste à notre victime fiscale ? La rémunération méritée de son labeur ou l’obscène augmentation de l’écart à l’intérieur de l’échelle des revenus – de 1 à 300 ? Elle a créé une caste de princes régnant sur la multitude de leurs concitoyens (plus cons que citoyens d’ailleurs, de se laisser faire !), une infime minorité pour une légion de serviteurs – voire d’esclaves – économiques. Parce qu’il y en a un paquet, des gens qui ne peuvent plus acheter tous les jours de la nourriture saine à leur famille, qui sont dans la rue, ou mal logés, ou se saignent aux quatre veines pour payer leur logement, pour qui l’idée de vacances relève de l’utopie. Huit millions de pauvres en France, comptabilise l’Insee. Mais pour aider ceux-là, l’Etat n’a pas d’argent ! Alors comment justifier que le demi-milliard d’euros remboursé avec zèle aux protégés du bouclier fiscal ne soit pas à la place affecté à ceux qui en ont en vraiment besoin ? Quelle philosophie adopter pour parvenir à trouver normal que les inégalités se creusent toujours davantage entre ceux qui n’ont rien – le peuple – et ses élites économiques qui vivent comme des rois ? Au nom de quel humanisme est-ce légitime que certains gagnent en quelques mois des sommes qu’un Smicard ne parviendrait pas à approcher durant sa vie entière, usée à travailler plus pour gagner plus ? A l’argument qui dénonce le caractère confiscatoire de l’impôt, la réponse est donc simple : au lieu de regarder combien on prend, voyons combien il reste et on en reparle ensuite !
Extrait de l’article de Olivier Bonnet sur Plume de presse : www.plumedepresse.com/spip.php?article1094