antimondialiste

[ louvoyer : naviguer en zigzag à contre vent ]

05/09/2006

LE HOLD-UP PLANÉTAIRE

Classé dans : désintoxicant @ 18:54

la face cachée de Microsoft.
Roberto Di Cosmo et Dominique Nora Calmann-Levy 1998

Depuis le mois de Juillet 2006, l’éditeur ne souhaitant plus réimprimer le livre, Les auteurs ont recuperé les droits d’auteur sur ce livre, et ont décidé de le mettre à disposition de la communauté, sous licence Creative Commons Attribution-NoDerivs-NonCommercial, et il sera toujours disponible en ligne sur http://www.dicosmo.org/HoldUp/HoldUpPlanetaire.pdf.

Ce livre a un peu vieillit mais en voici quelques extraits choisis :

Aujourd’hui, l’expression « société de l’information » n’est pas un vain mot : il est difficile de trouver un bien plus important que l’information, des services plus stratégiques que ceux qui touchent à sa création, sa transmission et sa manipulation. Si une seule entreprise — en l’occurrence Microsoft — arrive, comme elle en a l’ambition, à s’arroger un quasi-monopole sur la chaîne mondiale de l’information et de la communication, alors elle représente un danger pour la démocratie.

Dans 1984, les caméras de Big Brother espionnaient les gens, mais ceux-ci restaient libres de dissimuler leurs pensées. Et surtout, ils savaient qu’ils étaient espionnés et étaient donc sur leurs gardes, prêts à se battre pour reconquérir leur liberté. Dans le monde informatique moderne, par contre, le citoyen utilise en toute confiance les technologies de l’information pour sa correspondance par courrier électronique, pour communiquer par téléphone mobile, pour planifier ses déplacements, pour rédiger ses notes, pour faire ses comptes et gérer son patrimoine, pour consommer — bref, pour toute activité à la fois privée et sociale. Les entreprises, elles, confient tous leurs secrets stratégiques aux réseaux informatiques. Or, il est techniquement possible de garder trace de toutes ces informations, à votre insu et sans avoir recours à des caméras bien visibles.
[...]
À côté de ça, croyez-moi, le Big Brother d’Orwell n’est qu’un enfant de chœur.

Si Microsoft réussit effectivement à dominer à la fois les systèmes d’exploitation des ordinateurs personnels, les réseaux de communication, les programmes de navigation et l’intelligence des serveurs d’information qui composent le réseau Internet, le groupe sera dans une position bien plus redoutable que celle d’une entité qui aurait, jadis, contrôlé toutes les imprimeries du monde !

J’aime profondément la technologie, et c’est précisément pour ça que je ne peux supporter de la voir pervertie par une entreprise qui conçoit de mauvais produits, qu’elle fait payer cher à des consommateurs qu’elle asservit, une société qui — nous verrons comment — méprise ses clients, piège ses concurrents et étouffe l’innovation.

Mais Microsoft, au fil du temps, a acquis une remarquable aptitude à transformer des échecs techniques en succès commerciaux. Si ses nouveaux logiciels sont souvent catastrophiques, l’artillerie lourde du marketing arrive à les vendre quand même, en attendant que les versions suivantes corrigent peu à peu les bugs pour en faire des produits plus stables, éventuellement en rachetant ou en copiant les produits souvent meilleurs de ses concurrents. Microsoft a ainsi réussi la prouesse de faire considérer les défauts de ses logiciels comme normaux, et la correction de ses défauts comme des percées technologiques. Mieux : c’est le consommateur qui paie le processus d’amélioration !

Si l’on regarde l’histoire de Microsoft, cette médiocrité a une explication logique : comme on l’a vu plus haut, l’entreprise n’est absolument pas tendue vers l’excellence, mais vers des impératifs financiers.

Pour un éditeur de logiciels, il existe deux façons d’augmenter son chiffre d’affaires afin de dégager des profits croissants : soit il accroît sa part de marché ; soit, quand le marché est déjà saturé de ses produits — ce qui est le cas de Microsoft —, il arrive à vendre de plus en plus souvent aux mêmes clients. Il doit pour cela renouveler souvent ses logiciels. Les nouvelles versions, qui doivent sembler différentes, sont enrichies de gadgets pas forcément utiles, que Microsoft présente comme des innovations. Pire : pour s’assurer que les utilisateurs ne puissent pas éviter de suivre ce train d’enfer, Microsoft prend leurs données en otage, ce qui les contraint à racheter à chaque fois les logiciels les plus récents… simplement pour pouvoir continuer à échanger leurs données.

La propagande commerciale de Microsoft embobine les utilisateurs en leur racontant que DeFrag accélère la machine… alors qu’en réalité, c’est Windows qui la ralentit !

la qualité intrinsèque des produits est devenue un facteur de succès assez secondaire, par rapport à une série d’autres critères : le savoir-faire marketing, la puissance de distribution, et bien sûr la compatibilité avec les applications existantes.

Microsoft a en effet la possibilité technique d’organiser, en catimini, le sabotage des produits de la concurrence sur sa propre plate-forme. Et comme un logiciel pour PC qui n’est pas parfaitement compatible avec Windows est un produit mort, cette technique peut se révéler redoutablement efficace…

Microsoft a notamment l’habitude de supprimer de petits concurrents potentiels en s’appropriant leur technologie. Il existe des cas où l’éditeur de Seattle a purement et simplement volé les produits de PME concurrentes, en copiant sans vergogne leur technologie pour l’intégrer à son offre. C’est ce qui s’est passé par exemple avec la société Stac, conceptrice du compresseur de disque dur Stacker, qui a réussi à prouver la chose, et a eu gain de cause en justice.

mieux vaut un vrai standard — qui doit, pour mériter ce nom, être ouvert, documenté et capable de garantir l’interopérabilité de différentes composantes — qu’un faux standard, fermé et modifié toutes les deux minutes au gré de l’intérêt de son propriétaire exclusif. L’une des meilleures blagues qui court dans la Silicon Valley illustre bien mon propos :
combien d’ingénieurs de Microsoft faut-il pour changer une ampoule ? Zéro : il suffit que Bill Gates décrète que l’obscurité est devenue un standard !

Pour l’utilisateur, les logiciels libres présentent une foule d’avantages. Ils ont en général de meilleures performances et une plus grande robustesse que leurs équivalents commerciaux, parce que la possibilité d’accéder au code source simplifie énormément la correction d’erreurs et le développement de solutions spécifiques. Ils sont disponibles à un coût modique ou nul, et peuvent être gratuitement copiés sur un nombre illimité de machines.

Je suis toujours stupéfait de l’aveuglement de nos leaders politiques sur ces questions. Pour certains d’entre eux, l’informatique reste un sujet technique à la mode, mais peu intéressant, comme s’il s’agissait tout simplement de choisir la marque d’un traitement de texte ! Et ceux qui ont compris les vrais enjeux de la société de l’information se laissent trop souvent aveugler par la propagande des marchands de logiciel.

L’aventure de Linux, par exemple, résonne pour moi comme trois mots qui vous sont familiers : liberté, égalité fraternité. Celle de Microsoft, vous l’aurez compris, dessine une société plus proche à mes yeux du triptique servitude, opacité, féodalité… L’informatique et les ordinateurs nous donnent aujourd’hui la possibilité de révolutionner notre façon de vivre au quotidien. Mais cette opportunité est un peu celle de l’auberge espagnole : on trouvera dans cette société de l’information ce qu’on y apporte. Si on continue de laisser Microsoft la construire, elle risque de ressembler à un cauchemar. C’est donc à nous de choisir si cette révolution doit aboutir à un Moyen Âge technologique obscur dominé par une poignée de seigneurs féodaux qui s’approprient l’écriture et tout moyen de transmission de l’information pour collecter des impôts chaque fois que l’on communique. Ou si l’on veut plutôt arriver à un monde ouvert et moderne, démocratique et décentralisé, où le flux libre de l’information nous permettra de tirer parti des énormes potentialités de la coopération sans barrières et du partage des connaissances.


posté par Cyrille


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