L’édition en ligne : un nouvel eldorado ?
En guise d’introduction, il me semble nécessaire de faire le point sur un certain nombre de questions qui ont structuré les débats sur l’édition électronique depuis 10 ans. A mon sens, ces questions sont aujourd’hui largement obsolètes :
1.La désintermédiation. C’est le terme par lequel on a pu dire que la mise en ligne des publications scientifiques revenaient à la suppression des intermédiaires (ie les éditeurs). On passerait donc à un modèle de distribution directe du producteur au consommateur. On sait aujourd’hui que cette approche n’est pas pertinente, parce que toute forme de communication est marquée par la présence d’intermédiaires, aussi discrets soient-ils. Aujourd’hui, les plate-formes où les utilisateurs sont invités à déposer leurs propres productions (les archives ouvertes par exemple), sont des intermédiaires. De par sa seule existence la plate-forme a un impact éditorial sur les contenus qu’elle héberge ; impact dont il faut tenir compte.
2. L’électronique versus le papier : faut-il publier au format électronique ou papier ? Cette question ne vaut plus la peine d’être posée ; en ces termes en tout cas. La réalité est qu’aujourd’hui, l’édition est forcément électronique ; les auteurs, les éditeurs, les chefs de fabrication et même les imprimeurs travaillent en numérique. La question du papier est donc réduite à celle du support de diffusion. Et même dans ce cas, elle ne concerne qu’un certain type de documents. Typiquement, les livres. Pour les revues, on est aujourd’hui dans une situation où il est peu imaginable qu’une revue s’abstienne d’être diffusée en ligne (ou alors elle se prépare un très mauvais avenir). La question qu’elle peut éventuellement se poser est de savoir si elle a intérêt à être diffusée AUSSI sur papier.
3. La chaîne du livre : est-elle remise en cause par l’électronique ? Ce concept de chaîne du livre me semble inopérant pour penser les mutations actuelles ; parce qu’il désigne un secteur professionnel consacré à la fabrication et la diffusion du livre comme objet matériel et non type documentaire. Bref, il écrase le concept de livre sur son actualisation physique et ne cherche pas à le penser d’abord comme objet intellectuel. Finalement, le concept même de chaîne est inopérant parce qu’il ne rend pas compte d’un mode circulaire de circulation des savoirs et pense les choses comme une transmission unilatérale.
Au bout du compte, il apparaît nécessaire, si on veut essayer de comprendre ce qui est à l’oeuvre avec l’édition électronique de remonter à un plus haut niveau de généralité, d’élargir la perspective, c’est à dire de repartir de la définition même de ce qu’est l’édition. Bref, il faut ouvrir la boîte noire…
Par Piotrr sur Blogo Numericus : http://blog.homo-numericus.net/spip.php?article154