Les étranges placements de la Fondation Gates
Pourquoi l’institution caritative la plus riche du monde est-elle actionnaire de sociétés qui sont à l’origine des fléaux sanitaires et écologiques qu’elle s’est donné pour objectif de combattre ?
Justice Eta tend son petit pouce. Une tache d’encre atteste que ce bébé de 14 mois a été immunisé contre la polio et la rougeole, dans le cadre de la campagne de vaccination financée par la Fondation Bill & Melinda Gates au Nigeria. Mais la polio n’est pas le seul danger qui menace le petit Justice. Depuis sa naissance ou presque, il présente des troubles respiratoires. Son entourage dit simplement qu’il “a de la toux”, attribuant sa maladie à la fumée et aux retombées de suie des torchères dont les langues de feu lèchent le ciel à 90 mètres au-dessus d’une raffinerie voisine qui appartient au géant pétrolier ENI.
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D’après Paul Hawken, spécialiste de l’investissement socialement responsable et directeur du groupe de recherche Natural Capital Institute, c’est là le “secret honteux” de beaucoup de grandes œuvres caritatives. “Les fondations subventionnent des organismes qui s’efforcent de construire l’avenir, mais, par leurs investissements, elles hypothèquent cet avenir.” Le plus grave, souligne-t-il, n’est pas d’investir dans des sociétés nocives ou peu respectueuses de l’éthique, mais de ne le faire que pour l’argent, sans même chercher à améliorer le mode de fonctionnement de ces entreprises. Ce genre de stratégie peu scrupuleuse, ajoute Paul Hawken, récompense en réalité les mauvaises pratiques.
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Certains détracteurs de la fondation estiment que, afin de comprendre son incapacité à utiliser ses propres investissements pour servir “l’intérêt général dans les pays en développement à un coût raisonnable”, il suffit de remonter à la source principale de sa richesse – Microsoft, dont Bill Gates est président. Le monopole de Microsoft sur les systèmes d’exploitation informatiques et les logiciels de bureautique relève en effet de la même conception de la propriété intellectuelle et du droit commercial que celle défendue par les laboratoires pharmaceutiques. “La Fondation Gates a vraiment les moyens de transformer la dynamique pour faire en sorte que les médicaments soient fournis en premier lieu aux pays qui en ont le plus besoin”, souligne Daniel Berman, directeur adjoint de Médecins sans frontières pour l’Afrique du Sud. “Mais cela irait à l’encontre des intérêts de Microsoft.” …
lire cet article du Los Angeles Times traduit sur [Rouge Midi] : http://www.rougemidi.org/article.php3?id_article=1377